Qu’est ce qu’une maladie rénale chronique ?

Toutes les images ont été photographiées par le Dr. Brigitte Lantz à l’Hôpital Necker-Enfants-Malades, Paris

La maladie rénale chronique (MRC) est fréquente et longtemps silencieuse. Le dépistage ciblé de la MRC dans les populations à risque a pour but d’éviter ou de retarder le passage au stade terminal de l’insuffisance rénale nécessitant un traitement de suppléance (dialyse ou greffe rénale), et de réduire les complications associées, principalement cardiovasculaires. Sa progression peut être ralentie par un traitement réalisable dans le cadre de la médecine générale.

Les marqueurs d’atteinte rénale peuvent être des anomalies morphologiques que l’on peut voir à l’échographie par exemple, histologiques visibles sur la biopsie rénale ou biologiques (protéinurie clinique, microalbuminurie, hématurie, leucocyturie). La protéinurie clinique peut être définie par une protéinurie des 24 heures supérieure à 0,5 g. Actuellement, une microalbuminurie est considérée comme un marqueur de risque de maladie rénale chronique chez le diabétique de type 1 ou de type 2 et comme un marqueur indépendant de risque cardiovasculaire chez l’hypertendu.

Le débit de filtration glomérulaire (DFG) est estimée, en pratique de ville, par une équation reposant sur le dosage de la créatinine sanguine. Différentes formules ont été proposées pour estimer le DFG : formule de Cockcroft-Gault et équation de l’étude MDRD. La Société de Néphrologie a recommandé en 2009 d’abandonner la formule de Cockcroft-Gault et d’utiliser l’équation de l’étude MDRD plus exact chez la personne âgée.

La MRC est définie, indépendamment de sa cause, par la persistance au-delà de 3 mois de marqueurs d’atteinte rénale ou d’une baisse du DFG estimé au-dessous de 60 ml/min/1,73 m2.

Les études épidémiologiques disponibles en population générale évaluent à 10 % la prévalence des adultes ayant une protéinurie supérieure à 0,5 g/l ou un DFG estimé inférieur à 60 ml/min/1,73 m2. Le nombre de personnes ayant une maladie rénale chronique en France est donc être estimé aux environs de 6 millions.

Le risque d’évolution vers le stade terminal nécessitant la dialyse ou une greffe rénale est faible dans l’absolu, la prévalence de l’insuffisance rénale chronique terminale (IRCT) étant de l’ordre de 1 pour 1000. Chaque année en France, environ 11 000 personnes débutent un traitement de suppléance. En 2020, près de 90 000 personnes sont ainsi traitées, dont 55 % par dialyse et 45 % par greffe rénale. Ce nombre augmente de 4 % par an. L’hypertension artérielle et le diabète sont responsables à eux seuls de près d’un cas sur deux.

Comment dépister une maladie rénale ?

Test par une bandelette urinaire : C’est la présence d’albumine (protéinurie) ou de traces de sang dans les urines (hématurie) qui signe la maladie rénale.

 

 

Prise de sang : Une simple prise de sang permet le dosage de la créatinine et du taux d’urée dans le sang. Ces substances, normalement éliminées par les reins, s’accumulent dans le sang lorsque leur fonctionnement est défectueux.

Mesure régulière de la pression artérielle : Une hypertension artérielle peut révéler une atteinte rénale ; elle peut aussi accélérer l’évolution d’une maladie du rein sous-jacente, d’ou la nécessité de la dépister et de la traiter précocement.

Biopsie rénale : Cet examen est fréquemment pratiqué en cas de maladie rénale, afin d’en préciser la nature et évaluer l’évolution potentielle des lésions rénales. Deux petits fragments du rein sont prélevés et analysés au microscope, ce qui permet un diagnostic affiné.

Notre responsable de la communication scientifique de la Fondation du Rein, le Dr. Isabelle Tostivint,  explique à Adriana et Michel Cymès le rôle des reins et l’importance d’une détection précoce des maladies rénales ! La Journée Mondiale du Rein de chaque deuxième jeudi de mars sert à faire prendre conscience au grand public de l’importance de préserver la santé rénale, de prévenir les maladies rénales, de les détecter précocement pour les soigner efficacement !

Qu’est ce que l’insuffisance rénale chronique ?

L’insuffisance rénale chronique est la conséquence de l’évolution des maladies rénales. Lorsque les deux reins ne fonctionnent plus correctement, notre organisme est petit à petit empoisonné par les déchets qui ne sont plus éliminés.

L’insuffisance rénale est dite chronique lorsque cette perte de fonction est progressive, et que les lésions présentes dans les reins ont un caractère irréversible. Dans bien des cas, elle progresse graduellement, sur un grand nombre d’années.

Les personnes touchées peuvent rester en bonne santé apparente avec des reins fonctionnant de 10 à 20 % de leur capacité normale. Ce n’est qu’à un stade très avancé que l’insuffisance rénale provoque certains symptômes.

Selon la classification américaine, il existe 5 stades de la maladie rénale chronique (DFG estimé par la formule MDRD) :

• Stade 1 : Maladie rénale chronique et marqueurs d’atteinte rénale DFG ≥ 90 ml/mn
• Stade 2 : Insuffisance rénale chronique minime DFG entre 89 et 60 ml/mn
• Stade 3 : Insuffisance rénale chronique modérée DFG entre 59 et 30 ml/mn
• Stade 4 : Insuffisance rénale chronique sévère DFG entre 29 et 15 ml/mn
 Stade 5 : Insuffisance rénale chronique terminale DFG < 15 ml/mn

La video ci-dessous montre la nécessité d’un parfait tandem entre le médecin néphrologue et le patient pour mieux appréhender la maladie et ses traitements (vidéo réalisée par Jean-Paul Penegry et le Dr Franck Martinez pour l’association Renaloo.com.

La maladie rénale chez l’adulte en quelques chiffres

Les études épidémiologiques disponibles en population générale évaluent à plus de 10 % la prévalence des adultes ayant une protéinurie supérieure à 0,5 g/l ou un débit de filtration glomérulaire (DFG) inférieur à 60 ml/min/1,73 m2.

Le risque d’évolution vers le stade terminal nécessitant la dialyse ou une greffe rénale est faible dans l’absolu, la prévalence de la maladie à ce stade étant de l’ordre de 1 pour 1000, ce qui représente près de 90 000 personnes en France en 2020. Ce risque est d’autant plus élevé que le débit de filtration glomérulaire est bas et l’albuminurie (ou la protéinurie) élevée.

Un certain nombre de personnes ont une probabilité importante d’avoir une atteinte rénale et doivent donc être l’objet d’un dépistage systématique. Le dépistage doit porter sur les deux indicateurs que sont le DFG estimé et le rapport albuminurie/créatininurie afin d’identifier les stades précoces de la MRC.

La répartition des maladies rénales en France en termes de prévalence est approximativement la suivante :

  • maladies glomérulaires : 30 %, dont 10 % sont sont une complication d’un diabète
  • néphropathies interstitielles : 25 %
  • néphropathies vasculaires : 20 %
  • néphropathies d’origine génétique : 15 %, dont 10 % pour la polykystose
  • causes indéterminées : 10 %

Principales causes des maladies rénales en France

Les néphropathies glomérulaires

  • Les glomérulonéphrites primitives

Ces néphropathies sont les plus fréquentes. Le terme primitif signifie que l’on n’en connaît pas la cause avec certitude. De début souvent insidieux, la maladie rénale n’est découverte qu’à l’occasion d’un examen fortuit des urines qui révèle la présence de protéines (“albuminurie”) et de globules rouges (“hématurie microscopique”). La pratique alors d’une ponction-biopsie rénale permet d’examiner un très petit fragment de tissu rénal au microscope, et d’identifier ainsi la maladie :

  • Les maladies glomérulaires liées à des maladies générales

La cause la plus fréquente en est le diabète sucré. Nombre de patients diabétiques développent une atteinte rénale, dénommée “glomérulosclérose” diabétique, après plusieurs années d’évolution de leur maladie. D’autres maladies générales plus rares sont pour certaines d’origine immunologique, comme le lupus systémique ou les vascularites nécrosantes. L’amylose en est une autre cause ; elle est caractérisée par la présence de dépôts de protéines insolubles dans les tissus. Il s’agit de fragments de protéines de précurseur sérique, appelé substance amyloïde.

Les néphropathies interstitielles

Ces néphropathies résultent d’une atteinte prédominante du tissu interstitiel qui constitue la trame de soutien entre les néphrons (unités fonctionnelles des reins). Elles peuvent être la conséquence d’infections urinaires hautes à répétitions (pyélonéphrites). Les infections urinaires basses (cystites) sont fréquentes chez la femme, et sont généralement sans gravité, car elles restent localisées à la vessie. Mais si l’infection survient sur des voies urinaires où l’urine s’écoule mal, les bactéries qui se multiplient facilement peuvent remonter dans les reins et provoquer une “pyélonéphrite”. L’obstacle à l’écoulement des urines peut être anatomique (calcul, hypertrophie de la prostate, rétrécissement inflammatoire ou cancéreux d’un uretère), ou être fonctionnel lié à une malformation de la jonction vésico-urétérale, comme le reflux vésico-urétéral fréquent chez l’enfant. L’évolution vers l’insuffisance rénale chronique est très lente, et prend des dizaines d’années. Il est donc nécessaire de soigner efficacement toute infection urinaire et d’en rechercher la cause. La correction chirurgical précoce de l’obstacle qu’il soit acquis ou congénital permet de préserver le rein.

Les néphropathies vasculaires

  • L’hypertension artérielle

C’est une maladie fréquente, qui touche près de 10 % de la population, qui est parfois la conséquence d’une maladie rénale. Mais dans 90 % des cas, elle survient sans cause précise et elle est dite “essentielle”, et son mauvais contrôle pendant des dizaines d’années peut léser la paroi des vaisseaux, notamment ceux des reins, du cœur et du cerveau, et être à l’origine d’une néphropathie vasculaire et d’une insuffisance rénale chronique.

  • La sténose des artères rénales

Le rétrécissement d’une grosse artère rénale peut être congénital ou acquis. Le plus souvent, il s’agit d’une atteinte des petits vaisseaux du rein par des plaques d’athérome à l’origine d’une mauvaise perfusion des reins et d’une hypertension artérielle. Cette élévation de la pression artérielle peut provoquer une insuffisance rénale, qui peut être aggravée par un embole de cholestérol qui se détache de la paroi.

  • Les maladies malformatives et génétiques

Les reins et les voies urinaires peuvent être le siège de malformations, dont certaines peuvent être héréditaires. La polykystose rénale en est la plus fréquente. D’autres maladies génétiques sont rares comme le syndrome d’Alport ou la maladie de Fabry.

Facteurs de risque

  • Diabète sucré
  • Hypertension artérielle
  • Obésité supérieure à 30 kg/m2
  • Maladie cardiovasculaire
  • Personnes âgées de plus de 60 ans
  • Antécédents familiaux d’insuffisance rénale chronique
  • Uropathies obstructives
  • Maladies de système
  • Médicaments néphrotoxiques
  • Bas poids de naissance de moins de 2,5 kg
  • Épisodes d’insuffisance rénale aiguë

Il est possible de prévenir ou de ralentir l’évolution de l’insuffisance rénale en respectant une série de mesures, comme pratiquer une activité physique régulièrement, surveiller son poids ou limiter sa consommation de sel. La vidéo ci-dessous vous donne quelques conseils dans ce sens.

La maladie rénale chronique chez l’enfant

La maladie rénale chronique est dominée chez l’enfant par le syndrome néphrotique idiopathique et les anomalies du développement des reins et des voies urinaires dont les formes les plus sévères sont associées aux valves de l’urètre postérieur. La néphropathie à IgA (maladie de Berger) et les maladies génétiques monogéniques atteignent 4 à 5 fois moins de patients. Les maladies génétiques les plus fréquentes sont les ciliopathies au premier rang desquelles la polykystose autosomique dominante, le syndrome reins kystiques-diabète, le syndrome d’Alport et les syndromes hémolytiques et urémiques atypiques. Les malades sont répartis dans les cinq stades de la maladie rénale chronique, mais l’incidence de l’insuffisance rénale terminale avant l’âge de 20 ans est très faible, légèrement inférieure à 100 malades par an.

Les malades sont pris en charge dans une filière unique : chaque unité de néphrologie pédiatrique propose un suivi complet de la surveillance et du traitement protecteur de la maladie rénale chronique jusqu’à l’épuration extrarénale et la transplantation d’organe. Enfin, les malades et leur famille sont systématiquement entourés et assistés par une structure psycho-sociale très organisée.

Les principales difficultés actuelles tiennent paradoxalement au nombre restreint des malades qui suscite le désintérêt du monde industriel pour les préparations galéniques pédiatriques et la miniaturisation des matériels nécessaires à l’épuration extrarénale et expose au risque bien réel posé par l’appauvrissement des équipes en personnel médical et les difficultés du remplacement générationnel.

La maladie rénale chronique chez l’enfant a été le thème retenu par la Fondation du Rein pour le colloque de la Journée Mondiale du Rein de 2013 et celui de la Journée Mondiale de 2016 (Pr. Georges Deschênes).